OU ALORSJeudi 8 avril, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture de la prestigieuse École nationale d’administration, école d’élite française pour la formation des hauts fonctionnaires et des hommes politiques. L’annonce du président semblait familière: il s’était déjà engagé à réformer l’ENA, une école réputée pour son conservatisme et son aversion au changement, en 2019, mais cette fois-ci, elle est définitive: Macron a déclaré que le moment était venu d’abolir une institution largement considérée comme un symbole d’élitisme et d’inégalité.
À seulement un an de la prochaine élection présidentielle, Macron est face à face dans les sondages avec Marine Le Pen. L’abolition de l’ENA apparaît donc comme si elle s’inscrivait dans une stratégie de renaissance avec «le peuple». C’est facile à oublier, étant donné la pandémie, mais avant que la France n’entre dans le lock-out en mars 2020, elle avait connu le mouvement anti-élite le plus soutenu depuis des générations sous la forme de manifestations de gilets jaunes (gilets jaunes). Macron n’a certainement pas oublié.
Le président ne veut pas se passer complètement de l’idée d’une école d’élite, mais plutôt construire quelque chose qui fonctionne soi-disant mieux. Une nouvelle école appelée Institut du Service Public, sorte d ‘«école publique de management», remplacera l’ENA. Sans surprise, Jean-Louis Debré, autrefois proche allié de Jacques Chirac, a déclaré qu’il s’agissait d’une mesure «populiste» (par laquelle il voulait dire qu’elle plaisait à l’opinion publique).
Son père, Michel Debré, le premier des premiers ministres de Charles de Gaulle, a fondé l’ENA en 1945. Son objectif était de former des étudiants de tous horizons à travers des examens d’entrée pour des emplois dans l’administration publique. antécédents personnels.
En réalité, l’école s’est avérée être un club soudé pour la classe supérieure, plutôt qu’une force de démocratisation. Le schéma de recrutement élitiste s’est aggravé au fil des ans: en 2014, 70% des étudiants venaient des classes supérieures, contre 45% dans les années 1950. Diplômés ENA – appelés énarques – obtenir les meilleurs emplois dans l’administration publique, mais aussi dans les affaires et la politique de première ligne. Les anciens comprennent plusieurs présidents, les huit derniers premiers ministres et les PDG actuels de grandes sociétés commerciales et bancaires. Il y a même un terme pantoufle (du mot pour pantoufles), se référant à la pratique par laquelle les agents publics trouvent un travail lucratif dans le secteur privé: le énarques ils sont emblématiques de cette tendance, qui accentue la perception publique d’un réseau de vieillards incestueux.
On peut penser à énarques comme homologues français des diplômés d’Oxford PPE. Dans la mesure où les deux finissent effectivement les écoles de la classe dirigeante, la comparaison est logique, même si les détails sont assez différents. Au Royaume-Uni, l’enseignement privé et les universités d’élite sont une réalité. En France, l’idéologie du républicanisme, issue de la Révolution française, insiste sur la notion d’égalité de traitement pour tous et sur la fourniture de services publics de pointe, détenus et administrés par l’État. L’ENA est une institution publique dont le financement provient presque entièrement de l’État. Cela rend la manière dont il favorise les étudiants avec un capital économique et culturel élevé non seulement honteux, mais une contradiction apparente des idéaux républicains de l’État.
Pour s’inscrire, les candidats passent un an avant de postuler à l’école dans un classe préparatoire, un cours extrêmement exigeant. L’examen écrit (concurrence externe) évalue un large éventail de matières et de disciplines. Seule une minorité de candidats se qualifie pour le second tour, qui comprend des examens oraux qui testent essentiellement leurs compétences d’élocution. Puis vient le redouté magnifique oral, une longue épreuve devant un jury au cours de laquelle les candidats se voient poser toutes sortes de questions déroutantes et provocantes destinées à tester leur capacité à réfléchir sur place.
Tout cela a pour effet de donner aux candidats plus aisés qui ont les bonnes compétences sociales un avantage sur les candidats issus de milieux plus modestes. Une fois à l’ENA, il est indispensable d’être diplômé dans le top 10%, si les diplômés veulent pouvoir choisir entre les postes les plus prestigieux de l’Etat français. Le reste peut être affecté à des positions médiocres. Les anciens diplômés se plaignent souvent de l’enseignement, qui a une réputation d’être ennuyeux et conservatrice, et décrivez l’institution comme un bastion du snobisme haut de gamme.
En 2006, Nicolas Sarkozy (qui n’a pas fréquenté l’ENA) s’est moqué du «sadique ou idiot» qui avait jugé bon d’inclure des questions d’examen pour les candidats à l’ENA sur Princesse de Clèves par Madame de la Fayette, un roman du XVIIe siècle. La moquerie de Sarkozy faisait allusion à l’idée que énarques Ils sont formés pour discuter de sujets aussi variés que la politique, l’économie, l’histoire, les arts ou la littérature, mais ils ne peuvent le faire que superficiellement.
Par conséquent, la modernisation de l’ENA devrait impliquer un examen complet du processus de sélection et des procédures d’examen de l’école, ainsi qu’une modernisation spectaculaire du programme pour refléter les défis du monde réel. Mais est-ce que Macron le veut vraiment? Lui seul le sait. Voudriez-vous apaiser les gilets jaunes et les gens en colère contre vos politiques économiques? Bien qu’une réforme puisse être bienvenue et nécessaire, cela ne fera probablement pas la moindre différence pour eux: énarques et les citoyens ordinaires continueraient à vivre sur des planètes différentes.
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