A Toulon, la maison de Pierre Simonet, dont les fenêtres ont été ouvertes sur le mont Faron, a évoqué une vie extraordinaire qui vient de s’achever, jeudi 5 novembre à l’âge de 99 ans. La décoration a amené des visiteurs d’Asie en Afrique, bien plus que les phrases parcimonieuses et modestes de l’hôte, qui sirotait son thé et racontait sa vie à petites gorgées. “Nous n’aimons pas les grands mots dans la famille”, Il s’est excusé. L’histoire était parsemée de longs silences qui en disaient bien plus. Puis les pensées semblaient s’échapper vers un lieu sans doute indescriptible pour ceux qui ne l’avaient pas connu.
Comment raconter cette guerre qui l’a conduit au milieu de la terre? Comment décrire, par exemple, la guerre du hasard, de flâner dans le désert libyen, où l’on pourrait être tour à tour chasseur et proie? Comment raconter la bataille de Bir Hakeim et sa pluie d’acier? Et la Syrie avec ces jours chauds épuisés? Et en Italie? Et la libération de la France? Comment? ‘Ou quoi?
Pierre Simonet est né le 27 octobre 1921 à Hanoi, dans ce qui était alors le Tonkin français. Il a gardé ce pays d’enfance une partie de lui tout au long de sa vie, plein de jeux innocents, d’odeurs enivrantes et de fruits sucrés, une vision de Cocagne inconsciente des réalités de la colonisation.
Il avait hérité de cet amour pour l’Orient: polytechnique, ingénieur des chemins de fer puis ingénieur des travaux publics, son père était attiré par cette distance et son odeur d’aventure depuis 1910. Aussi en héritage, ce patriotisme, cette vénération de la France, cette distance rendu encore plus grand aux yeux de l’enfant. Pierre n’a cessé de faire l’aller-retour entre la colonie et la métropole, dans les bagages de ce père voyageur. Il n’avait pas 20 ans lorsqu’il avait déjà effectué cinq traversées maritimes entre Saïgon et Marseille. Préparé dès son plus jeune âge pour une vie sur la route.
“La garnison de Dakar pensait, comme beaucoup de Français, qu’il n’y avait rien d’autre à faire que d’écouter Pétain”
Il a 18 ans, il est en cours de mathématiques au Lycée Montaigne, à Bordeaux, lorsque la guerre éclate. Tout autour de lui, les vers fil-de-fer vantent admirablement sa confiance en la France au début des combats. Mais cet enthousiasme juvénile s’est rapidement consumé dans une défaite implacable. Pierre déjeune le 17 juin lorsqu’il entend Pétain à la radio lui demander d’arrêter de se battre. Quelque chose en lui le rejette, le pousse à se rebeller. “Je ne peux pas, je ne peux pas accepter ça”, dit-il. Il quitte aussitôt la table familiale et part à la recherche de ses compagnons. Ce n’est qu’hier qu’il a rencontré l’apathie et le découragement de la part de ces braves êtres.
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