Ce 23 octobre à Conakry, la capitale de la Guinée, un policier regarde un manifestant lancer des pierres.  / AFP / JOHN WESSELS

D’un geste large dans son boubou gris fluide, Souleymane Bah montre du doigt les murs de blocs de béton noircis. Au sol, un tas de feuilles de métal qui, hier encore, formait un plafond, a fait fondre des cadavres d’ordinateurs usagés, des gravats et des poubelles renversées. “Ce sont mes cinq magasins … c’étaient mes cinq magasins”, corrige le sexagénaire. “Les résultats des élections volent au-dessus de ma tête, mais je viens de perdre vingt-huit ans de travail là-bas.”, ajoute le voisin de Conakry, rencontré vendredi 23 octobre.

Dans les prochains jours, vous devrez sans aucun doute mettre votre tête sur vos épaules. Les derniers chiffres publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) montrent une victoire imparable, au vu du décompte officiel, sinon incontestable, du président sortant Alpha Condé du premier tour des élections du 18 octobre. Les décomptes des bureaux ont été choisis un par un pendant quelques jours, mais le résultat final du vote devrait être annoncé samedi. Cela deviendra donc officiel et public, peut-être aussi, si les connexions Internet, suspendues depuis jeudi soir, sont rétablies d’ici là. Mais les Guinéens craignent que la proclamation du vainqueur enflamme un peu plus le pays.

Auto-proclamation

Car ce verdict, a priori, n’est pas du goût des habitants du quartier de M. Bah. Le problème pour ces petits magasins a commencé lundi. Cellou Dalein Diallo a ensuite annoncé sa victoire à l’élection présidentielle guinéenne organisée la veille, sans attendre la conclusion des travaux officiels de la commission électorale nationale indépendante (CENI). Le chef de l’opposition n’a pas tardé à se proclamer, convaincu que le camp adverse rassemblé autour du président sortant Alpha Condé ne s’est pas présenté pour un troisième mandat pour le perdre et utilisera la fraude si nécessaire.

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Lundi a donc été une nuit de fête dans ce coin du quartier Bambeto, tous en faveur de l’opposition. De plus, le lendemain, quand la CENI commence à jeter, table par table – le pays en compte 15 000 – les premiers chiffres qui donnent une identité complètement différente du vainqueur, la tension monte fortement sur Transversale n ° 2. Cette avenue relie l’aéroport avec le quartier de Kipé, deux lieux situés respectivement sur les corniches sud et nord de la capitale Conakry, langue urbaine et péninsulaire dans l’océan Atlantique. Devant la maison de M. Bah, comme dans de nombreux autres endroits de la ville, des barricades faites de balançoires ont été érigées. Pneus enflammés. Comme certains esprits radicaux ou d’autres esprits oisifs alimentés par la perspective d’apaiser la faim avec un bon butin. Les jeunes du quartier descendent ensuite vers la voie ferrée.

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