«L’espionnage cause des dommages infiniment plus importants que le terrorisme. Le terrorisme est visible, l’espionnage est invisible, il menace nos recherches, nos emplois, notre économie, notre place dans le monde. C’est ce qu’a récemment exprimé Patrick Calvar, ancien chef du contre-espionnage, lors d’une audition à huis clos devant une commission d’enquête parlementaire. Une mise en garde qui revêt une pertinence particulière à la lumière du cas de présomption de trahison au profit de la Russie qui éveille le ministère des Armées.

Comment l’a révélé dimanche Europe 1, un lieutenant-colonel français, affecté à l’OTAN et basé en Italie, a été mis en examen le 21 août à Paris pour divers crimes liés à l’espionnage: «remise d’informations à une puissance étrangère», «collecte d’informations au détriment de les intérêts fondamentaux de la Nation “,” le renseignement avec une puissance étrangère “et” l’engagement au secret de la défense nationale “. Il a été placé en détention préventive.

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Interrogée à la radio, la ministre des Armées, Florence Parly, a confirmé «cette procédure judiciaire pour atteinte à la sécurité», affirmant que «la France avait l’initiative» après avoir dénoncé les agissements de ses soldats devant la justice.

Une tentative de rapprochement éclairée par les Italiens

Selon nos informations, cette affaire, qui illustre l’agressivité des services russes et leur empressement à pénétrer les administrations françaises, a pris racine un an avant la plainte du ministère des Armées. En 2019, les services secrets italiens surveillent sur leur territoire un homme de nationalité russe qui n’est autre qu’un «officier itinérant» du puissant GRU, le service de renseignement militaire russe. Cet espion russe est chargé d’errer dans toute l’Europe et de détecter les agents, soldats ou diplomates étrangers ayant des faiblesses personnelles exploitables afin de les «rendre».

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Dans ce contexte, les Italiens ont informé leurs homologues français d’une tentative d’approcher le suspect en deuxième personne. Ce Français d’une cinquantaine d’années, père de cinq enfants, est un militaire expérimenté, plusieurs fois décoré. Après avoir passé toute sa carrière dans l’armée, il est maintenant en poste à Naples, sur une base de l’OTAN où il traite des questions qui allient international et sécurité. En tant que tel, vous avez accès à des informations sensibles classées comme secret de défense.

Ce soldat, qualifié de “russophile”, a cédé aux sirènes du Kremlin? Mystère. Au moins une rencontre avec l’espion russe se serait matérialisée en Italie. Cette fâcheuse proximité est signalée au ministère des Armées, qui en rendra compte en vertu de l’article 40 au parquet de Paris, sur la base d’informations italiennes, un an plus tard seulement. Le 29 juillet, une enquête a été ouverte par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), en charge du contre-espionnage.

Le 18 août, le lieutenant-colonel a été arrêté alors qu’il était en vacances en France. Il a été placé en garde à vue dans les locaux de la DGSI puis poursuivi en justice. Ils fouillent votre maison en Italie. L’enquête, désormais confiée à trois juges d’instruction, continue de déterminer si le soldat français a pu livrer des documents confidentiels couverts par le secret de la défense à l’espion russe et s’il s’agissait d’un contact isolé ou d’une collaboration plus profonde avec la Russie. Rien n’a divulgué les informations qui auraient pu être transmises.

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Des agents qui “n’ont peur de rien”

Selon nos informations, l’espion russe en question était bien connu des services de sécurité européens. Il y a quelques années, un pays d’Europe occidentale l’avait dénoncé et avait fait l’objet d’un arrêté d’expulsion. Cet officier itinérant du Kremlin reste introuvable à ce jour.

«Les techniques que les Russes utilisent sont toujours les mêmes pour renvoyer un agent», explique Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la Direction générale de la sécurité étrangère (DGSE). Nous jouons avec l’amour, l’argent ou l’ego et le désordre professionnel. Les agents du GRU ont toujours été très agressifs et ne craignent rien. Contrairement au KGB qui fonctionne dans le temps, le GRU attaque de front, mène des raids, dommage s’ils sont découverts. “

Dans l’ombre de son illustre rival, le GRU a attiré beaucoup plus d’attention ces dernières années. Journal intime Le Monde avait notamment révélé, en décembre, l’installation d’une base arrière pour les espions russes en Savoie. Surtout, le GRU est soupçonné de l’empoisonnement, en mars 2018 en Angleterre, de l’ancien agent double Sergei Skripal. «Ils ont été très présents ces dernières années», commente Andreï Kozovoi, conférencier et auteur du livre «Les services secrets russes, des tsars à la poutine» (Ed. Tallandier, 2010). Ils cherchent sans aucun doute à être bien considérés du Kremlin et semblent prêts à des opérations risquées, voire carrément scandaleuses. “

Un message de fermeté au Kremlin

Cette stratégie russe ultra-offensive expliquerait pourquoi cette affaire d’approche d’un soldat affecté à l’OTAN en Italie a été portée devant les tribunaux français, ce qui est extrêmement rare, et pourquoi Florence Parly elle-même a publiquement évoqué les faits. . Dans un contexte géopolitique marqué par l’empoisonnement de l’opposant russe Alexeï Navalny et les troubles en Biélorussie, les autorités françaises veulent apparemment envoyer un message de fermeté au Kremlin.

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«Nous savons traiter ce type d’affaires de manière diplomatique, sans rendre les enjeux publics», explique un ancien responsable d’un service de renseignement. S’il sort, c’est parce que la France veut dire: nous n’allons pas le laisser passer. «Le message est clair, estime également Alain Chouet. Comme ce fut le cas récemment avec les Chinois, en soulevant cette question, nous avons envoyé un message aux Russes. «La méfiance s’est manifestée publiquement dans un environnement diplomatique généralement silencieux, d’autant plus symbolique à l’approche des élections présidentielles. Cependant, les services de renseignement français anticipent déjà d’éventuelles tentatives d’ingérence russes …