EURACTIV examine de plus près comment l’extrême droite française voit ses responsabilités et ses priorités environnementales. Le nationalisme, le conservatisme et le localisme façonnent son approche, selon les experts.
Avec une sécheresse hivernale sans précédent à laquelle est confrontée la France, l’UE continue de faire face à une crise énergétique sans précédent et un compte à rebours sur les objectifs de zéro émission nette du bloc, la position environnementale des dirigeants des États membres de tous les horizons politiques est sous le feu des projecteurs.
S’exprimant lors d’un débat en commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, mercredi 1er mars, sur les enjeux de la prochaine conférence sur le climat COP28, la députée du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) Marine Hamelet a déclaré que “le RN très préoccupé par le réchauffement climatique […] nous proposons une réponse locale à un désordre global.
Il a affirmé qu’en aucun cas le pays ne devait céder à “la construction d’éoliennes qui détruiraient nos champs et nos côtes”. [and biodiversity]» au nom de la protection de l’environnement.
Les COP “ne sont qu’un jeu de l’ombre”, a-t-il ajouté, avant de saluer le mix énergétique français, basé “sur le nucléaire et l’hydroélectrique, un modèle de décarbonation dans le monde”.
Sur l’agriculture, “la réponse ne peut pas être d’empêcher nos agriculteurs d’utiliser des pesticides, qui sont essentiels pour leur compétitivité économique et notre souveraineté alimentaire”, a-t-il également déclaré.
De telles opinions sont conformes au manifeste présenté par l’ancienne présidente du RN Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle française de 2022.
“Notre projet tournera la page sur l’écologie punitive et la culpabilité”, lit-on. Son manifeste visait également à “rompre avec une écologie détournée par le terrorisme climatique, qui met en danger la planète, l’indépendance nationale et, surtout, le niveau de vie des Français”.
Le manifeste précise que “la préférence pour les produits français, pour les emplois français et pour l’investissement dans les entreprises françaises” doit être le “premier levier d’une transition environnementale”. Sans surprise, une telle préférence suit le principe de « priorité nationale », une approche traditionnelle d’extrême droite, en France et ailleurs.
Le RN a également promis un plan de soutien à l’agriculture biologique, accompagné “d’un accès à l’alimentation bio dans les cantines scolaires réservées aux produits français”.
Arnaud Gossement, spécialiste du droit de l’environnement et professeur associé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a déclaré à EURACTIV que ce concept n’est “qu’un moyen vers une autre fin, qui est le nationalisme”.
Selon Gossement, il s’agit d’un “manifeste de façade”, ce qui signifie que les membres du groupe RN sont en réalité “majoritairement muets” sur les questions environnementales. Sauf, par exemple, lorsque sa position est de s’opposer au déploiement des énergies renouvelables, a-t-il déclaré à EURACTIV.
Ces propositions visent avant tout à “favoriser un électorat”, a déclaré M. Gossement, ajoutant qu’il considérait l’évolution du discours de l’extrême droite sur l’écologie comme un simple “changement de leur communication”. Si les élus du RN n’affichent plus de positions climato-sceptiques, Gossement les qualifie de « climato-relativistes ».
Selon lui, il y a au sein du RN “une analyse du lien entre la consommation d’hydrocarbures et le réchauffement climatique”. Sinon, les représentants du RN ne s’opposeraient pas au développement des énergies renouvelables, ni ne se battraient pour une baisse des taxes sur les carburants.
Nicolas Goldberg, énergéticien chez Columbus Consulting et responsable du pôle énergie du think tank Terra Nova, estime que les plans de l’extrême droite ne permettraient pas à la France de “se débarrasser des énergies fossiles”, compte tenu de l’opposition du RN à l’interdiction de vente de moteurs à combustion et de chaudières diesel.
Le parti de Le Pen a fait valoir qu’il était favorable à l’augmentation de la capacité nucléaire de la France, après s’y être longtemps opposé.
Cependant, “sans électrification, l’énergie nucléaire seule ne nous permettra pas de nous libérer des combustibles fossiles”, a déclaré Goldberg, ajoutant qu'”une dépendance excessive aux combustibles fossiles n’est pas seulement préjudiciable [for the climate]mais il alimente aussi une dépendance géopolitique mortelle.
A l’opposé des objectifs de souveraineté nationale promus par le RN, le parti d’extrême droite Reconquête ! par Éric Zemmour. et d’autres personnalités de la droite nationaliste, “se concentrer sur les combustibles fossiles soulève des questions de souveraineté nationale et de sécurité d’approvisionnement”, a-t-il ajouté.
Gossement et Goldberg ont tous deux souligné le manque d’action de Le Pen et de ses partisans concernant les facteurs liés au mode de vie. Son parti ne prévoit aucun plan de transformation des secteurs des transports et du logement, principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre, pour les réduire et lutter contre le réchauffement climatique.
Cette vision environnementale “reflète une approche conservatrice de la structuration de la société et rejette la nécessité de repenser les pratiques et les infrastructures”, a déclaré Goldberg.
Mais l’extrême droite française, et le RN en particulier, ont aussi beaucoup développé l’idée de localisme dans leur discours. Le parti propose par exemple de soutenir une économie circulaire, ou encore le traitement des déchets au niveau local, par exemple à des fins de production d’énergie.
Cependant, le localisme “a du sens lorsqu’il est appliqué de manière holistique”, et pas seulement “l’achat à court terme”, a déclaré Goldberg. Couplé à une “dépendance aux combustibles fossiles et à une absence de volonté de restreindre la consommation, cela équivaut à du localisme pour le plaisir”, a-t-il ajouté.
“L’épine dorsale du RN est la souveraineté associée au conservatisme, mais quand il s’agit d’énergie, cela ne fonctionne pas”, a conclu Goldberg.
[Edited by Nathalie Weatherald]
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